La présidentielle américaine vue du pénitencier

447213169.jpgJerry Brown est en prison. Il est afro-américain, a 31 ans et ne reverra probablement jamais le monde extérieur. J’avais interviewé Jerry dans le cadre du Rodéo des Condamnés, le documentaire dont je suis le co-auteur avec le réalisateur Nicolas Pallay. A l’époque, Jerry Brown m’avait marqué par son intelligence et je suis resté en contact avec lui depuis la fin du tournage. A chacune de ses lettres, il me surprend. Nos échanges sont directs et nous ne sommes pas d’accord sur un point central: l’origine de son crime. Jerry – qui ne clame pas son innocence – affirme que le meurtre qu’il a commis, est la conséquence des inégalités entre Noirs et Blancs aux Etats-Unis. Jerry qui a grandi sans son père et avec une mère prisonnière des sa dépendance à la drogue, a rejoint un gang de Louisiane quand il était ado. Lors d’un deal de marijuana qui a mal tourné, Jerry Brown, 18 ans à l’époque, a abattu le dealer au cours d’une dispute. Arrêté quelques mois plus tard, il a été condamné à la prison à vie sans possibilité de remise de peine. Lorsqu’il blâme la société américaine pour son malheur, je lui fais remarquer que ses deux soeurs n’ont jamais eu de problèmes avec la justice et qu’elles travaillent dur pour réussir leur vie.

Ce désaccord ne nous empêche pas d’avoir une discussion par lettres interposées. Les limites sont claires. Je ne milite pas en sa faveur et ne crie pas à l’injustice. Avec Nicolas Pallay, nous lui avons donné la parole et avons décortiqué le système qui l’a condamné. Mais notre rôle de journalistes s’arrête là. Si j’ai décidé aujourd’hui de proposer à Jerry Brown de partager sa vision de la campagne présidentielle américaine avec vous, c’est parce que pense qu’il a quelque chose à dire. La démarche n’est pas journalistique mais plutôt philosophique. Alors que tout le monde parle de changement aux Etats-Unis, à quoi cela ressemble-t-il derrière les murs d’un pénitencier? Ce changement est-il concret? Jerry Brown a un autre avantage: il a une conscience ethnique très développée. Il passe ses journées à étudier les relations entre Blancs et Noirs aux Etats-Unis et y ajoute une dimension spirituelle qui est sa manière à lui de gérer sa réalité, à savoir celle d’un détenu qui ne reverra probablement jamais la liberté.

Je m’en remets à vous. Vous jugerez par vos visites sur ce blog si cette démarche est justifiée et si l’expérience vaut la peine d’être poursuivie.

Voici donc le billet de Jerry Brown:

Dans cette époque dominée par les messages cachés, il faut assumer que quand quelqu’un entend le nom Obama, quelque chose se produit inconsciemment. Dans notre esprit, le mot Obama est irrémédiablement lié au changement. Ce désir de changement est profondément réprimé mais c’est ce que la majeure partie de la socitété veut au fond d’elle. Et Obama est aujourd’hui le vecteur de cette sensation.

Quel changement? Pas un simpleme échange, un nouveau départ. Un départ qui porte en lui la source d’une vie productive, la liberté et la véritable recherche du bonheur. Ce changement balaie les tourments de la colère et de la culpabilité.

Il est grand temps de de revister l’esprit de Martin Luther King et d’écouter sa voix 40 longues années après sa mort. Nous vivons dans une société rongée par les soucis et les attentes toujours plus élevées, mais qui échoue. Ne nous voilons pas la face. Et écoutons cette voix qui ne demande pas une seule image comme Obama, mais un changement profond.

Jerry Brown

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